at sainte vaubourg
38×46, oil on canvas
Les propriétaires étaient un peu déconcertés par le tableau. Ils trouvaient que la maison ne ressemblait pas tellement à l'image. Ils avaient raison, évidemment : ça n'y ressemblait absolument pas. Je n'ai pas osé leur dire que ça ne m'était même pas venu à l'esprit de faire en sorte que ce soit le cas. Ça ne m'intéresse pas de peindre ce qui est visible pour tout le monde. Je veux dire : si tout le monde le voit, quel intérêt ? Ça ne sert à rien de rajouter au monde quelque chose qui est déjà là. Mettre autant d'effort dans de la redondance, ça ne me parle pas tellement. Je suis conscient que si je peux me permettre de penser ça, c'est que la photographie a libéré la peinture des servitudes du réalisme, de la nécessité de peindre quelque chose qui reproduise ce que l'oeil capte (mais je dirais qu'on peut aussi en libérer la photographie). Je suis conscient qu'il y a aussi une maigre possibilité pour que je sois un peintre tout naze qui se trouve des excuses. Mais deux choses. D'abord, je pense que "les gars, qu'est-ce qu'on fait de la peinture, maintenant ?" reste une très bonne question. La ressemblance est un objectif parmi d'autres, qui appartient à une certaine ère culturelle. Tous les peintres ou tous les gens doués pour le dessin à travers les âges n'ont pas toujours été en priorité préoccupés par la ressemblance. Et ensuite, je peins vraiment ce que je vois. Alors ce n'est peut-être pas vrai à l'oeil collectif, que ce soit parce que ça ne m'intéresse pas ou parce que je n'en suis pas capable. Mais c'est vrai pour mon oeil à moi. Et tout mon travail, tout mon effort, ma sueur et mon sang, c'est là-dedans que je le mets. Ça, oui, c'est ce qui me parle.